Voix contemporaines dignes de considération

Dans cette section, nous proposons aux lecteurs une sélection non-exhaustive de mystiques chrétiens contemporains que nous avons choisi de qualifier comme étant (provisoirement) "dignes de considération". Cette appellation plutôt prudente peut certes decevoir ceux qui s'attendent à voir une liste de voix prophétiques "authentiques" ou "sûres". Cependant, nous sommes convaincus qu'une approche plus circonspecte s'impose face à la prolifération de soi-disant "prophéties" sur internet à l'heure actuelle, à la fois dans le monde catholique comme dans d'autres confessions chrétiennes, sans parler des innombrables clairvoyants, astrologues et autres médiums souvent cités par la presse populaire. Le discernement de matériel supposément prophétique n'est pas et n'a jamais été chose facile, comme nous pouvons constater en regardant l'Ancien comme le Nouveau Testament, où le problème de l'existence de faux prophètes fait régulièrement surface. Nous pouvons pourtant au moins étaler certaines critères qui ont guidé nos choix en présentant la sélection actuelle :

Cohérence théologique

Nous n'avons retenu que les messages dont le contenu théologique ne rentre pas en conflit avec l'enseignement de l'Eglise Catholique. Dans le cas de voyants dont les écrits sont d'une grande ampleur (parfois des milliers de pages), il peut arriver qu'on trouve quelques passages qui présentent des ambiguïtés théologiques, ou qui, sans contredire le Catéchisme, semblent aller à l'encontre des formulations théologiques de figures telles que St Augustin ou St Thomas d'Aquin. Si nous comprenons que de tels passages invitent à la prudence, cela ne signifie pas qu'on devrait nécessairement condamner en bloc les écrits des mystiques concernés : l'histoire nous montre que même de grands saints peuvent parfois s'exprimer d'une façon maladroite ou se tromper carrément, telle Ste Catherine de Sienne face à une supposée apparition de la Vierge Marie qui aurait nié l'Immaculée Conception.

Position de l'Eglise 

Dans tous les cas, la position de l'Eglise est indiquée dans la mesure où les autorités se sont positionnées par rapport aux messages concernés (beaucoup de supposés mystiques ayant tout simplement été ignorés par l'hiérarchie). L'attitude de l'Eglise constitue bien évidemment un élément important qui doit être pris en compte quand nous essayons d'évaluer l'authenticité d'un message. Nous respectons ceux qui, motivés par l'obéissance, décident de lire uniquement les écrits ayant reçu l'Imprimatur ou qui, au moins, n'ont jamais été jugés négativement. Par contre, du point de vue de la recherche, la position de l'Eglise à un moment donné ne peut pas être l'unique critère d'évaluation à l'égard des révélations privées. D'un côté, l'existence d'un Imprimatur pour un recueil de "messages" n'est pas suffisante en elle-même pour affirmer l'inspiration surnaturelle des écrits concernés, étant donné que l'Imprimatur signifie simplement que le contenu n'est pas contraire à la foi et la morale catholique - sauf si l'Imprimatur est supplémenté par une affirmation personnelle de la part de l'évêque en question indiquant une véritable soutien. [1] Nous avons même choisi ne de pas inclure certains écrits portant l'Imprimatur pour deux raisons. D'abord, une lecture détaillée des messages semble révéler des contre-indications appelant à la prudence. [2] Deuxièmement, il peut s'agir d'écrits inoffensifs, voire même édifiants au plan spirituel, mais où rien, ni au niveau des messages eux-mêmes, ni au niveau de phénomènes mystiques connexes, n'indique qu'ils dépasseraient le statut de "méditations privées", fruit de l'opération habituelle de la prière plutôt que d'un charisme spécial.

De l'autre côté, nous savons trop bien que, dans l'histoire de l'Eglise, des messagers prophétiques ont quelquefois été condamnés (et dans le cas de Ste Jeanne d'Arc, même brûlée!) avant d'être réhabilités, parfois longtemps après leur mort, comme nous voyons avec Luisa Piccarreta (1865-1947) ou Ste Faustyna Kowalska (1905-1938). Nous avons certes choisi d'écarter des messages dont l'Eglise a explicitement prohibé la diffusion comme s'il s'agissait de locutions authentiques. Cependant, nous avons choisir de inclure certaines voix même si elles ont été l'objet d'une mise garde de la part des évêques ou un jugement négatif, estimant que les éléments textuels ou les phénomènes associés sont suffisamment solides pour laisser espérer une contre-enquête dans l'avenir qui pourrait infléchir la position ecclésiale actuelle. [3] A cet égard, il faudrait admettre que les lecteurs désirant rester fidèles à l'hiérarchie mais ouverts aux prophéties peuvent parfois se trouver dans une situation peu confortable. Surtout dans les cas où un voyant serait approuvé par un évêque mais désavoué par son successeur ou par une intervention de la part de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à Rome. [4]

Attaques contre le Pape François

Nous avons systématiquement écarté tout message "prophétique" qui dénoncerait le Pape François comme un ou même le Faux Prophète (de l'Apocalypse). Il va sans dire que ces dénonciateurs du Pape peuvent représenter un grave danger pour des lecteurs crédules, amenés à adopter une attitude schismatique, pensant que le Ciel vient d'invalider le pontificat actuel. L'exemple le plus spectaculaire des dégâts causés par un tel dérapage au cours des dernières années a sans doute été le succès international de la fausse voyante irlandaise "Marie Divine Miséricorde" (en réalité la création littéraire d'une spécialiste de relations publiques, inventée à but lucratif). Fermement condamnés par plusieurs évêques, les messages de "MDM" ont pourtant atteint des millions de lecteurs grâce à une opération publicitaire très efficace (on a estimé qu'en Suisse, jusqu'à 50% des catholiques pratiquants auraient lu ces supposés messages célestes...). Il peut par contre arriver qu'un voyant autrement digne de considération critique le Pape François d'une manière excessive dans ses propres propos oraux ou écrits (par exemple en republiant sur un blog ou les réseaux sociaux les attaques polémiques de Carlo Maria Vigano contre le Pape). De tels propos sont certes regrettables, et nous nous en distançons fermement, mais il faudrait souligner que notre sélection concerne uniquement les locutions elles-mêmes et ne signifie pas nécessairement que nous soutenons leur interprétation par les voyants en question.

Révélations privées et actualités socio-politiques : commenter distinguer entre prophéties authentiques et théories du complot ?

Les Ecritures tout comme la Tradition de l'Eglise montrent clairement que les messages prophétiques peuvent toucher à des sujets d'actualité souvent controversés liés à la vie des nations. Nous avons néanmoins systématiquement écarté des locutions à caractère ouvertement politique (appelant par exemple à voter pour des politiciens spécifiques) dont le ton ressemble au journalisme populiste ou aux théories complotistes comme celles de QAnon, mouvement très répandu aux Etats-Unis parmi les partisans de Donald Trump et qui semble avoir joué un rôle considérable dans l'assaut du Capitol à Washington du 6 janvier 2021.

Ancré dans les cercles évangéliques protestants et basé sur une lecture de l'Apocalypse alimentée par des rumeurs d'ordre politico-militaire diffusées sur internet, la mouvance QAnon a été considérée par plusieurs spécialistes en sociologie religieuse comme une sorte de secte pseudo-prophétique. Si ses théories souvent outrancières méritent néanmoins d'être mentionnées dans un contexte catholique, c'est parce qu'on peut observer l'influence claire des concepts de "Q" (un commentateur anonyme sur internet dont on n'a pas encore réussi à dévoiler l'identité) sur un certain nombre de soi-disant voyants catholiques nord-américains qui publient leurs "locutions" sur le web.

L'affirmation centrale de "Q" semble avoir été que le monde est tombé sous le contrôle d'une cabale de nature pédophile et satanique (cabale qui pour certains inclurait le Pape François, des proches de QAnon ayant même récemment diffusé la fausse nouvelle de son arrestation pour pédophilie!). Ce groupement néfaste serait courageusement combattu par Donald Trump, qui aurait en effet reçu la mission quasi-divine de la vaincre, provoquant un "Grand Réveil" pour exposer les coupables et mener les ennemis de Dieu et de l'Amérique à une défaite spectaculaire.

Il va sans dire que ce genre de messianisme politique, caractérisé par une foi illimitée en l'ex-occupant de la Maison Blanche, s'est révélé totalement sans fondement, mais la question demeure de savoir comment et pourquoi "Q" aurait pu séduire de nombreux lecteurs de révélations privées (ainsi que des cercles ultra-traditionnalistes), même francophones. Il semblerait que ce soit le recyclage par la nébuleuse Q d'un certain nombre de concepts communs à beaucoup de lectures assez classiques des textes eschatologiques qui aurait donné une certaine crédibilité à ses spéculations sensationnelles. Ce n'est pas QAnon qui aurait tirer en premier sur la sonnette d'alarme par rapport à la globalisation, l'instauration d'un Nouvel Ordre Mondial ou l'influence des réseaux maçonniques : ce sont des thèmes qui apparaissent déjà dans l'eschatologie de nombreux mystiques catholiques sérieux, au moins à partir de Don Stefano Gobbi dans les années 1970. Si certains lecteurs de prophéties contemporaines ont été induits dans l'erreur par le "phénomène Q", c'est sans doute car ils ont aperçu une ressemblance de surface entre ses théories et l'eschatologie des voyants catholiques. Ils ne se sont pas rendu compte que QAnon a simplement puisé dans un fonds eschatologique commun - dont certains concepts pourtant sont bien fondés - pour bâtir une lecture politique des événements actuels qu'aucun voix mystique crédible n'appuie. Si on lit attentivement le "consensus prophétique" des dernières décennies tel que nous essayons de le présenter sur ce site, il est clair que ce n'est pas une action politique quelconque qui arrêtera l'arrivée de l'Homme Inique, dont le règne sera terminé par l'intervention divine et le Triomphe du Coeur Immaculé de Marie en union avec la prière constante et confiante des fidèles.  

Conclusion 

Les voyants contemporains figurant sur ce site sont ceux qui à notre avis semblent répondre aux critères mentionnées ci-dessus. Cela ne signifie pas qu'ils devraient être considérés comme infallibles : ce serait imprudent de donner "carte blanche" à un(e) mystique vivant(e), non seulement parce que l'Eglise n'approuve que très rarement des locutions individuelles, même chez les saintes et saints du passé, mais aussi parce qu'un voyant ayant un réel charisme peut prendre fausse route ou tout simplement se tromper. En même temps, s'il faudrait éviter le piège de la crédulité par rapport aux supposés écrits mystiques, un excès de prudence pourrait facilement nous mener à la conclusion - au moins dans la pratique - que l'Esprit Saint serait devenu étrangement muet de nos jours. Ce qui contredirait le principe biblique selon lequel "le Seigneur Dieu ne fait rien sans en révéler le secret à ses serviteurs les prophètes" (Amos 3,7), ainsi que la promesse de Jésus lui-même que le Paraclet "vous annoncera les choses à venir" (Jn 16,13). Etant donné que le Catéchisme de l'Eglise Catholique affirme explicitement l'existence de révélations privées à travers l'histoire, il faudrait logiquement supposer que de telles communications surnaturelles existent aujourd'hui. C'est à nous de "discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l'Eglise" (CEC § 67) en mobilisant tous les outils de la foi et de la raison, essayant d'en dégager d'une manière aussi responsable que possible un message cohérent pour notre temps.

Peter Bannister

Notes :

[1] Comme dans le cas du journal spirituel de la mystique hongroise Elizabeth Kindelmann (1913-1985), approuvé par le Cardinal Peter Erdö en 2009, les livres de "Consuelo" en Espagne ainsi que - parmi les mystiques contemporains - les écrits de Léandre Lachance ou Luz de Maria de Bonilla.

[2] C'est pour cette raison que nous avons notamment omis les messages de Catalina Rivas (Bolivie), auxquels l'Imprimatur a bien été accordé, mais dont l'auteure a été accusée de plagiat, documents scannés à l'appui, par l'auteur José Prado Flores. A ce jour, ces accusations sont restées sans réponse.

[3] Un bon exemple d'une telle contre-enquête est le dialogue entre Vassula Rydén et le Cardinal Ratzinger (2001-2004) qui a permis d'éclairer certains points controversés dans les écrits de Vassula, soulevés dans une Notification à son égard émise par la Congrégation pour la Doctrine la de Foi en 1995.

[4] Ici nous pouvons citer les cas d'Ida Peerdeman (Amsterdam, 1945-1959 - approuvée par l'évêque Jozef Marianus Punt en 2002 mais désavouée par la CDF en 2020), Teresita Castillo (Lipa, 1948 - approuvée par l'Archéveque Ramon Arguelles en 2015, décision inversée par la CDF en 2016) ou de nos jours Gladys Quiroga da Motta (San Nicolas, où les apparitions entre 1983 et 1990 furent approuvées par l'évêque Hector Cardelli en 2016, mais où la diffusion des messages reçus ultérieurement par Gladys a été prohibée par son successeur Hugo Santiago en 2017) et Edson Glauber (Itapiranga (1994 -), approuvé en 2009 par l'évêque Carillo Gritti, décision inversée par l'administrateur diocésain et la CDF en 2017).