Cette dernière prophétie du Christ ne remplit pas non plus tout à fait le critère de la clarté, car trois interprétations sont possibles, mais dans les deux cas les plus valables il y a un réel accomplissement.
Aucun Père de l’Eglise n’avait imaginé cette explication qu’Origène qualifie de simpliste, que saint Thomas rejette sans examen. Il faut attendre le XVe siècle pour lui trouver un défenseur catholique, avec Tostat, qui fut suivi par Lucas de Bruges, qui pense que le Seigneur s’est exprimé à dessein d’une manière équivoque. La génération des contemporains du Christ a vécu l’événement considérable que furent la destruction de Jérusalem et du Temple, mais cela ne suffit pas à expliquer l’ensemble des éléments prophétisés. Origène, le seul des anciens qui mentionne cette hypothèse a écrit : « quelques gens simples rapportent ces paroles à la destruction de Jérusalem et croient qu’elles furent dites de la génération qui vivait au temps du Christ et qui fut témoin de la Passion, comme si cette génération devait subsister jusqu’à la ruine de la ville sainte ».
Quand Jésus s’est exprimé, il était entouré d’apôtres et de disciples, c’est-à-dire de personnes qui croyaient en lui. Il désignait donc « la génération de ses enfants, des enfants de Dieu » puisque ceux qui croient en lui naissent en Dieu et acquièrent le droit d’être enfants de Dieu (Jn 1,12-13 ; 1 Jn 3,1). C’est cette génération qui ne passera pas avant que vienne la fin du monde, accompagnée de tous les signes précurseurs finaux : s’il est vrai qu’il est annoncé qu’à la fin des temps la foi sera devenue rare (Lc 18,8), il est aussi annoncé que la foi ne sera pas morte et que l’on croira au Christ sur tous les continents. C’est pourquoi cette génération des enfants de Dieu ne sera pas passée, détruite, morte, avant le retour du Christ : il y aura toujours un petit reste de vrais croyants même au temps des pires persécutions et de l’apostasie.
Cette affirmation n’était pas évidente. Tous les peuples antiques ont disparu : Goths, wisigoths, saxons, assyriens, mèdes, angles, pictes, vandales, huns, … : il n’en reste rien. Les romains et les grecs ont changé de langue. Mais le plus petit peuple, celui qu’on a essayé d’exterminer tant de fois, ne meurt pas mais repousse sans cesse et il vient de retrouver sa langue et sa terre.
« Le Seigneur vous dispersera parmi les nations, vous survivrez en petit nombre au milieu des peuples où le Seigneur vous conduira » (Dt 4,27). Pour les historiens, les Juifs représentaient 8% de la population mondiale au temps du Christ. Au prorata, ils devraient être plus d’un demi-milliard aujourd’hui. Or, ils sont peut-être 13 millions. « En petit nombre » = proche de zéro, mais pas zéro.
Quand on se pose la question de savoir : « Qui a raison ? » entre les Juifs, les Grecs, les Hindous, les existentialistes, on peut se demander comment le peuple juif avait pu survivre autant de temps : le peuple juif est un peuple vieux, peut-être le peuple le plus vieux au monde. Ce peuple a toujours la même langue, la même culture, la même religion, etc. (contrairement aux Italiens, aux Français, aux Égyptiens ...) Les autres peuples passent, le peuple juif reste.
Si l’une des trois conditions disparaît, le peuple s’assimile, disparaît en quelques siècles. Pourtant, le peuple juif, hors de sa terre, survit depuis 2000 ans, avec persécutions, massacres, poursuites incessantes. Une citation de Mark Twain (non juif) permet de voir comment les Juifs sont perçus par les non-Juifs : « Les Égyptiens, les Babyloniens et les Perses se sont levés, ont rempli la planète de bruit et de splendeur, puis se sont évanouis comme un rêve et ont disparu. Les Grecs et les Romains ont suivi, ont fait grand bruit et ne sont plus. D´autres peuples ont jailli et ont tenu haut le flambeau pendant un certain temps ; puis la flamme s´est éteinte, et à présent ils sont dans la pénombre ou ont disparu. Le Juif les a tous vus, les a tous vaincus, et il est aujourd´hui ce qu´il a toujours été, sans manifestation de décadence, sans infirmité de vieillesse, sans affaiblissement, sans ralentissement de ses énergies, sans émoussement de son intellect alerte et agressif. Toutes choses sont mortelles - sauf le Juif ; toutes les autres forces passent - il demeure. Quel est donc le secret de son immortalité ? »
Les Égyptiens, les Babyloniens, les Perses étaient des super-dynasties qui ont duré des millénaires, puis ont disparu. Il n’en reste rien, pas même la langue. Idem pour les Grecs et les Latins : où sont-ils ? Ils ont tous disparu. En tout cas, leur culture n’est plus la même, ce n’est plus le même peuple. Le peuple juif, lui, est toujours là.
Citation d’un autre sociologue, Nicolas Berdiaev (1936) : « Les Juifs ont joué un rôle capital dans l’Histoire. C’est un peuple éminemment historique dont le destin reflète l’indestructibilité des secrets divins. Leur destin est profondément marqué du sceau métaphysique, qui ne s’explique ni en termes matériels ni en termes historiques – positivistes. Je me souviens de l’interprétation matérialiste de l’histoire, quand j’ai essayé dans ma jeunesse de la vérifier en l’appliquant aux destins des peuples, elle a totalement échoué dans le cas des Juifs, dont le destin apparaissait parfaitement inexplicable d’un point de vue matérialiste et, de ce fait, selon des critères matérialistes et positivistes, il y a longtemps que ce peuple aurait dû périr. Sa survie est un phénomène mystérieux et merveilleux qui démontre que la vie de ce peuple est gouvernée par une prédestination spéciale et transcende le processus d’adaptation exposé par l’interprétation matérialiste de l’histoire. La survie des Juifs, leur résistance à la destruction, leur endurance dans des conditions absolument inimitables et le rôle déterminant qu’ils jouent dans l’histoire : tout cela évoque les fondements spéciaux et mystérieux de leur destin ».
Un rabbin a écrit il y a 2000 ans : « À chaque génération, quelqu’un se lève pour nous anéantir ». Cela ne rate jamais et cela s’intègre souvent dans les programmes politiques. Ahmadinejad vient de dire par exemple : « La révolution islamique ne peut réussir que par l’annihilation du peuple d’Israël ». Avant lui, Saddam Hussein, Arafat, Nasser, Staline, Hitler, le KGB, les tsars, les Cosaques.....
A la fin, les tsars, les Cosaques (et tous les autres) disparaissent et le peuple juif perdure.
« Une brebis parmi 70 loups » pourrait être un film au cinéma. Une brebis broute, une meute de 70 loups s’approche. Le premier attaque et au moment où ses crocs vont s’abattre sur elle, crise cardiaque, il meurt. Le deuxième loup glisse sur une peau de banane. Et il en va ainsi de tous les autres loups. A la fin du film, on voit la brebis sanguinolente - mais vivante - brouter, 70 loups morts autour d’elle, sans qu’elle ait fait quoi que ce soit. Superman, pour vaincre 1000 ennemis en même temps, a tout de même besoin de tirer à la mitraillette ; la brebis, elle, n’a rien eu à faire pour vaincre.
Citation de Tolstoï (non juif) : « Qu’est-ce qu’un Juif ? La question n’est pas aussi surprenante qu’elle le pourrait paraître à première vue. Examinons quelle est cette sorte de créature que tous les dirigeants et toutes les nations du monde ont avilie, broyée, expulsée et détruite (...) et qui, en dépit de leur furie, a duré. Qu’est-il donc, ce Juif, que n’ont jamais réussi à séduire toutes les séductions, les oppresseurs et persécuteurs qui n’avaient d’autre but que de le faire renier sa religion et renier la foi de ses ancêtres ? Le Juif, ce symbole de l’éternité, celui qu’on n’a jamais réussi à détruire, ni les bains de sang, ni les tortures, ni le feu, ni l’Inquisition n’ont pu l’annihiler, celui qui a conservé pendant si longtemps le message prophétique et l’a transmis à toute l’humanité. Un tel peuple ne pourra jamais disparaître. Le Juif est éternel, il est la manifestation de l’Éternel ».
Le fait qu’ils soient un peuple si vieux et qu’ils survivent si longtemps en exil est extraordinaire. Même les historiens trouvent cela anormal.