Pie X (+1914) : "La France sera enveloppée d'une lumière céleste"

Présentation

La pensée du Pape Pie X par rapport à l'évolution historique du monde et du christianisme est marquée par un double mouvement de crise et restauration. Sa lecture des douloureux événements de son époque le pousse à des questionnements apocalyptiques dans l'Encyclique E Supremi (1903): "Qui pèse ces choses a droit de craindre qu'une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement "le fils de perdition" dont parle l'Apôtre n'ait déjà fait son avènement parmi nous." Dans la même Encyclique, par contre, il affirme sa foi dans l'accomplissement du projet de "tout restaurer dans le Christ et ramener les hommes à l'obéissance divine [...] ramener le genre humain à l'empire du Christ".

Dans une allocution prononcée le 29 novembre 1911, nous retrouvons cette double perspective dans les paroles adressées par le Pape aux croyants français dans le contexte de l'anticléricalisme de la Troisième République. L'expression "fille aînée de l'Eglise" et la question de sa fidélité à son baptême seront notamment reprises par Jean-Paul II lors de son homélie historique au Bourget le 1 juin 1980.

Que vous dirai-je maintenant, à vous, chers fils de France, qui gémissez sous le poids de la persécution? Le peuple qui a fait alliance avec Dieu aux fonts baptismaux de Reims se convertira et retournera à sa première vocation. Les mérites de tant d'enfants qui prêchent la vérité de l'Évangile presque partout dans le monde (et beaucoup l'ont scellée avec leur sang); les prières de tant de saints, qui désirent avoir la compagnie des chers frères de leur patrie dans la gloire céleste; la piété généreuse de tant de fidèles, qui eux aussi maintiennent la dignité du clergé et la splendeur du culte catholique au prix de leurs sacrifices - et avant tout, les gémissements de tant d'enfants qui, devant les tabernacles, déversent leur âme dans les expressions que Dieu lui-même met sur leur lèvres, appelleront certainement la miséricorde divine sur cette nation. Ses fautes ne resteront pas impunies, mais elle ne périra jamais, la fille de tant de mérites, de tant de soupirs et de tant de larmes.
Un jour viendra, et nous espérons qu’il ne sera pas éloigné, où la France, comme Saül sur le chemin de Damas, sera enveloppée d’une lumière céleste et entendra une voix lui répéter :

- Ma fille, pourquoi me persécutes-tu ?
Et à sa réponse :
- Qui êtes-vous, Seigneur ?
La voix répliquera :
- Je suis Jésus que tu persécutes. Il t'est dur de regimber contre l'aiguillon, parce que, dans ton obstination, tu te ruines toi-même.
Et elle, frémissante et étonnée, dira :
- Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?
Et Il dira :
- Lève-toi, lave les souillures qui t'ont défigurée, réveille dans ton cœur tes sentiments assoupis et le pacte de notre alliance et va, fille aînée de l'Eglise, nation prédestinée, vase d'élection, va, comme par le passé, et porte mon nom devant tous les peuples et les rois de la terre.

Sources: Pape Pie X, Lettre encyclique E supremi, le 4 octobre 1903 :  https://www.vatican.va/content/pius-x/fr/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_04101903_e-supremi.html

Allocution du 29 novembre 1911 : https://chretiensmagazine.fr/ (traduction modifiée)

Texte original italien : Acta Apostolicae Sedis, 1911, p. 657. https://www.vatican.va/archive/aas/documents/AAS-03-1911-ocr.pdf