Le 25 décembre 1969, le jeune théologien Joseph Ratzinger donne un entretien pour la Hessischer Rundfunk qui, 50 ans plus tard, est considéré par beaucoup comme un texte prophétique. Il ne s'agit pas ici d'une prophétie dans le sens technique d'une communication mystique directe (comme la prophétie au sujet de l'Eglise donnée par Ralph Martin à Rome en 1975), étant donné que Ratzinger parle ici en son propre nom. Par contre, comme dans le cas de certaines prédications de Fulton Sheen ou des propos de Karol Wojtyla, on y a décélé une intuition spirituelle profonde qui dépasse la simple analyse rationnelle et rejoint les déclarations sur l'avenir de l'Eglise de certain(es)s mystiques telles que Maria Valtorta ou Alicja Lenczewska (1934-2012).
"De la crise actuelle émergera l’Église de demain – une Église qui aura beaucoup perdu. Elle sera de taille réduite et devra quasiment repartir de zéro. Elle ne sera plus à même de remplir tous les édifices construits pendant sa période prospère. Le nombre de fidèles se réduisant, elle perdra nombre de ses privilèges. Contrairement à une période antérieure, l’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires, que l’on intègre librement et par choix. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres. [...] L’Église sera une Église plus spirituelle, ne gageant pas sur des mandats politiques, ne courtisant ni la droite ni la gauche. Cela sera difficile pour elle, car cette période d’ajustements et de clarification va lui coûter beaucoup d’énergie. Cela va la rendre pauvre et fera d’elle l’Église des doux. Le processus sera d’autant plus ardu qu’il faudra se débarrasser d’une étroitesse d’esprit sectaire et d’une affirmation de soi trop pompeuse. On peut raisonnablement penser que tout cela va prendre du temps. Le processus va être long et fastidieux [...] Mais quand les épreuves de cette période d’assainissement auront été surmontées, cette Église simplifiée et plus riche spirituellement en ressortira grandie et affermie. Les hommes évoluant dans un monde complètement planifié vont se retrouver extrêmement seuls. S’ils perdent totalement de vue Dieu, ils vont réellement ressentir l’horreur de leur pauvreté. Alors, ils verront le petit troupeau des croyants avec un regard nouveau. Ils le verront comme un espoir de quelque chose qui leur est aussi destiné, une réponse qu’ils avaient toujours secrètement cherchée. Pour moi, il est certain que l’Église va devoir affronter des périodes très difficiles. La véritable crise vient à peine de commencer. Il faudra s’attendre à de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce qu’il va rester à la fin : une Église, non du culte politique car celle-ci est déjà morte, mais une Église de la foi. Il est fort possible qu’elle n’ait plus le pouvoir dominant qu’elle avait jusqu’à maintenant, mais elle va vivre un renouveau et redevenir la maison des hommes, où ils trouveront la vie et l’espoir en la vie éternelle."